tatouage et écriture partie 2

Si la première partie de l’article “tatouage et écriture” colle avec la pensée et le travail de nombreux confrères, cette seconde partie, elle, met en lumière les aspects les plus singuliers de ma recherche passée et actuelle.


En prenant du recul, je me rends compte que malgré les influences (détectables ou non) chaque évolution-enrichissement de style est toujours né d’un questionnement.
Mes interrogations physiques ou psychologiques se rapportent presque systématiquement à l’efficacité de la retranscription des intentions. Et je rajoute même que j’adapte progressivement la lisibilité de mes propos à ma (mes) cible(s).


Plus simplement, un style est créé pour répondre à une ”problématique”. Celui-ci devient un accent, un argument, voir même un exemple qui marque les esprits selon sa pertinence, son culot, sa créativité, son impact, sa subtilité, son positionnement (je me retiens de faire un listing plus exhaustif car on me reprocherait un caractère trop factuel). Cependant, il y a une technique que je tiens à mettre en garde ; c’est la fréquence d’utilisation voir plus : la répétition. Je pense que son efficacité est aussi bénéfique que vicieuse tant elle est facile pour se faire un nom (ce n’est pas ce que je cherche ici). Et si je blesse certaines personnes en écrivant cela, rassurez vous il y a “ le pansement des héros”.


Pour rentrer dans le vif du sujet, c’est ma troisième grande réponse graphique : je vous parle de la façon dont j’ai trouvé, et nommé, ma “main cassée”. Ce faire valoir existe déjà sous d’autres formes dans les productions de différents artistes et plasticiens (chez les expressionnistes abstraits en tout premier lieu) mais les nuances qui nous différencient ne sont pas seulement physiques. Mes motivations, mes intentions et l’état d’esprit que je m’inflige pour avoir ce trait puisent certes dans la comparaison et la création d’un antonyme graphique à mes lignes droites (#rigidification) mais surtout dans la quête de valorisation de la marque, aussi maladroite soit elle.

 



Supposez que votre ami vienne de subir un accident, qu’il ne lui reste que quelques minutes à vivre, seul, et qu’il décide alors de vous laisser quelques lignes malgré les douleurs, le handicap physique et une instabilité certaine… Ses mots sortiront avec peine et force, la moindre rature, le moindre sursaut ou tremblement deviendra un indice douloureux sans zèle. Un spasme ou un aller-retour pénible traduira ce qui a été subi pour aller au bout de son message. Si graphiquement on perd en lisibilité, sensoriellement les intentions deviennent plus palpables et les maladresses acceptables.





Pour ma quatrième réponse, celle-ci s’est imposée sans que je la questionne. Il m’arrive souvent de gribouiller avec l’énergie évoquée et comme je vous l’ai écrit dans la partie 1, il est facile de gribouiller pour faire croire à un mot et capter l’attention. C’est en faisant cet exercice que j’ai découvert deux choses. La première me permettant d’expliquer la deuxième :
- Sérendipité: “La sérendipité est le fait de réaliser une découverte scientifique ou une invention technique de façon inattendue à la suite d'un concours de circonstances fortuit et très souvent dans le cadre d'une recherche concernant un autre sujet.” (Wikipédia)
- En présentant mes gribouillage lettrés et en jouant à “qui voit quoi” je me suis aperçu qu’un mot “main cassé” peut en cacher un autre. C’est ici que j’ai commencé à croiser des lettres. Un T peut très bien devenir un L traversé par une tache étirée, un M devient un B un peut trop couché … Les défauts et les taches deviennent des variantes sur lesquelles se pose tout le sens des mots croisés. Je provoque la sérendipité. De plus le graphisme n’est pas choisi pour le plaisir d’une forme plus qu’une autre, il s’impose par lui même car c’est en un point qu’il est possible, c’est ce point de rencontre qui permet d’offrir une double lecture (les variations sont toujours possibles mais je suis certain que vous voyez ce que je dis). Le graphisme s’impose par nécessité de rencontre. C'est comme ça que j'ai trouvé les "intersections".




Le tout reposant sur une sémantique parfois composée d’antonymes qui rendra l’ambiguïté plus déstabilisante, également sur des mots parents comme pour décupler la puissance du sens ou aussi  établir de nouvelles connections avec des mots qui n’en ont pas, au premier abord.


La création d’ “intersections” m’a permis cette réflexion (et c’est là que je vais finir).
Le langage est touché par l’impermanence, pourtant nous sommes contraints d’essayer de figer des définitions des mots pour pouvoir en parler et en prendre conscience.
Le langage tel que nous le pratiquons en tant que langue maternelle dans notre société (je n’ai pas de vision universelle) est une sorte de convention collective qui vise à fixer une définition précise pour un mot. De façon à pouvoir comprendre ce que l’autre a vu, compris, ressenti…
La définition d’un mot est de ce fait collective mais rien ne nous empêche d’avoir des définitions personnelles ou de ressentir un mot avec des nuances, à notre insu.
Les caractères qui constituent notre alphabet sont distincts pour faciliter le décryptage des mots et donc du sens. Mais malgré tout il y a toujours une marge d’interprétation et c’est cette marge que je souhaite décupler pour ne pas rester figé ou enfermé dans un sens collectif.


A ceux qui disent que l’Art ne sert à rien : “Alors, il est inutile de parler”.









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