Collaboration tatouage: rêve et cauchemar en 3 points

collaboration tatouage olivier poinsignon



Introduction fade et sans originalité à lire avec cynisme: "depuis que l'art existe, 

les collaborations entre artistes existent". Fin de l'introduction.


Collaborer ça semble une grande idée plaisante tant qu'on ne l'a pas expérimenté. Ma première collaboration digne de ce nom fut une réussite avec l'Androgynette, on a eu de la chance car le cadre que nous avions nous a portés sans qu'on le mesure. L'autre paramètre de cette réussite c'est l'unité dans la diversité. Nos travaux de l'époque étaient "cousins éloignés" tout comme nos façons de procéder et de gérer une relation client étaient proches mais pas identiques. Cette collaboration a parfaitement fonctionné de mon point de vue car nous avions vécu une semaine ensemble où un nouveau  rythme de vie s'est installé naturellement. Collaborer sur papier est beaucoup plus facile car l'engagement corporel est inexistant et la feuille ne donne pas son avis. Là à plusieurs il faut comprendre ce qu'on nous dit, et comprendre aussi ce que l'autre a compris...et la carte blanche n'existe pas car même si ton client vient vers toi en te disant fait ce que tu veux, le corps lui raconte déjà quelque-chose avec sa pilosité, ses cicatrices, ses courbes, ses os et sans surprise: ses tatouages déjà présents! Quoi qu'il arrive une discussion est déjà engagée et il faut comprendre est ce que l'on va débattre ensemble et construire sur le corps ou alors allons-nous juste exposer nos avis cote à cote? Gynette je te salue chaleureusement car notre collaboration a été un tournant dans mon travail et au-delà de la pertinence de nos réactions graphiques je garde un souvenir fort de ce triptyque.



collaboration tatouage colaboratoire olivier poinsignon l'androgynette


1- Ne pas coucher avec son petit frère:


Pourquoi rédiger un article si tout va bien? Parce-que collaborer en vrai c'est la merde! Les clients fantasmes des unions où la consanguinité graphique frappe à la porte du résultat. Mon expérience passée avec AVOID l'automne dernier fut compliquée car pour construire son style il a puisé une grande partie de son travail (et j'en suis honoré) dans mes recherches et à réussi à en tirer une évolution plus claire et plus franche que ce que je peux proposer. Il est bon! En est sorti une pièce hybride à deux vitesses dont le changement de rythme et de fréquence entre la partie inférieure et la partie supérieure peut apparaître comme une maladresse. Le problème c'est que cette pièce j'aurais pu la faire tout seul , tout comme lui aurait pu la faire tout seul, les tics graphiques qui nous différencient auraient été réparti avec plus de justesse et l'impact global auraient été différent. Dans le cas d'AVOID on aurait eu une construction forte avec des changements de rythme maîtrises comme une armure marquée et dans mon cas on aurait eu une fréquence diluée sur le bras comme une fine seconde peau. Cette pièce a une valeur sentimentale car c'est le produit d'une rencontre entre deux personnes qui ont pris soin d'une troisième venant chercher une renaissance, un déchirement et ce fut aussi un déchirement pour moi de ne pas avoir imaginé "le risque Frankenstein". Cette pièce est bonne mais l’expérience dépasse le résultat et l'effort de la collaboration n'a pas apporté une évolution graphique majeure. (et crois moi ça me coûte d’écrire un truc pareil)


avoid x olivier poinsigon collaborationavoid x olivier poinsigon collaboration tot sessionavoid x olivier poinsigon collaboration tot session



2- N'écris pas ton nom en entier:


"Le risque Frankenstein" c'est le fait de vouloir à tout prix faire cohabiter l'intégralité des noms d'une collaboration. Chacun protège sa recette et donc tiens à ce que sa partie soit respectée et lisible car reconnaissable. "Le risque Frankenstein" en tatouage c'est de porter un agglomérat de "branding" pour ressembler à la prochaine voiture de rallye dont tous les sponsors sont des noms de tatoueurs. Du coup on se retrouve avec un patchwork forcé négligeant probablement la contre-forme de l'un et de l'autre et par la même occasion négligeant la forme du corps générale par saturation d'informations. Prenons l'exemple d'une chanson de 3 minutes composée par un groupe et que celui-ci décide de collaborer avec un autre groupe qui lui aussi sait remplir une chanson de 3 minutes. Chacun sait occuper un espace voix, percussion, vent ,cordes ... blablabla. Pour que ça fonctionne tout le monde doit accepter de couper un bout de son nom et laisser la place à l'autre. Vouloir appliquer l'intégralité de sa recette c'est s'exposer à enregistrer un son de 6 minutes quand on n'en a que 3. La collaboration doit être une fusion, cela doit être l’occasion de se réinventer et de changer sa recette. La collaboration ne devrait pas être du "branding" ou de l'alignement de nom. Or beaucoup de collaborations ne sont que des associations avec des objectifs marketing pour toucher la fan base de l'autre ou affirmer l'appartenance à un courant commun. On devrait pouvoir sentir les influences sans pour autant dire "ça c'est lui qui l'a fait". Imagine si à chaque fois que l'on se reproduisait nos enfants cumulaient l'ensemble de notre code génétique...


"Oui le plus dur c'est d'envisager un vide en comprenant bien que si ce vide est complètement rempli, la chanson est foirée!"




3- Va chercher ce que tu n'as pas et ce qui te contraste:


Moi c'est, l'ethnique, la géométrie pure, le old school, le traditionnel,  la couleur et l'hyper réaliste. Il faut comprendre ce qui te contraste et ce que tu vas pouvoir contraster. Si tu fais des lignes droites à quoi bon collaborer avec Ockanucun si ce n'est pour faire une ligne droite plus grande en moins de temps parce-que vous êtes deux!? L’intérêt est alors dans la performance mais le bébé graphique qui en sortira n'aura pas une nouvelle génétique! Est-ce-que j'ai vraiment besoin d'approfondir ce dernier point? Il faut utiliser l’opposition comme d'un faire valoir graphique et accepté de devenir aussi ce faire valoir. Mes lignes droites sont devenues plus droites le jour où j'ai compris qu'un jet de peinture apporterait un point de comparaison permettant d'accentuer une sensation. Le tatouage ci-dessous est une pièce de 2015 où j'ai commencé à intégrer les bénéfices des contrastes de "qualité d'information". Je vous laisse la regarder pour comprendre de quoi je parle.


tatouage clermont-ferrand olivier poinsignon bateau polonais



A ton avis quel serait la collaboration
dont le contraste serait le plus intéressant?



Et c'est pour ces trois raisons que je continue d'envisager des collaborations. Essayer de quand même travailler avec ses frères c'est s'assurer de passer un bon moment et produire des pièces laborieuses qui forcent une remise en question et de nouveaux apprentissages techniques. C'est faire preuve d'abnégation pour accepter de donner vie à quelque chose qui nous dépassera et enfin c'est donner la main à l'autre pour que son ombre produise ce qu'on ne peut résolument pas faire tout seul!




En rédigeant cet article j'ai bien sûr beaucoup pensé à Gus, Métamose, Emilie B, Yanina Viland, Claire Sinturel, Pleybeboy, Avoid, Alexander Efros, Lee Stewart et enfin Guillaume Smash avec qui je vais collaborer pour la 5ème fois cette année. <3


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